lundi 22 septembre 2008

Gucci Rush, synthétique et fier de l’être


Lancé en 1999 par Tom Ford, responsable de la renaissance de la vénérable maison italienne Gucci dont il était le directeur artistique depuis 1990, Rush doit aussi peu à la nature qu’une robe disco en polyester sur une paire de seins siliconés. Et c’est là son charme : cet artifice affiché, pimpant, un peu cheap et parfaitement équilibré dans son esthétique second degré du more is more.

Surdosé en aldéhydes C-12 avec leur odeur de métal chauffé par une résistance électrique, surdosé en décalactone (celui-là même qui donne son odeur de pêche à Mitsouko), surdosé en jasmolactone, jasmin réduit à son plus petit dénominateur, puis amplifié 1000 fois, Rush est bien fidèle à son nom qui évoque la montée d’euphorie accompagnant la prise de certaines drogues. Les notes citées par Osmoz (gardénia, freesia, jasmin, rose, coriandre, vanille, patchouli et vétiver) succombent à cette ruée de molécules d’où émergent, éventuellement, un soupçon de rose, la vanille qui étoffe la lactone pêche, et un fond de patchouli.

L’effet, peu évolutif et plat comme le boîtier en plastique rouge qui le contient, irradie une lueur bleutée grésillante de néon fixé sur un mur laqué pêche, ou vu à travers un coupe pétillante de Bellini. Selon Chandler Burr du New York Times, c’est exactement l’odeur d’un salon de coiffure haut de gamme ; Luca Turin, lui, souligne sa bonne humeur et le compare à un extraterrestre qui aurait le sang chaud.

Parfait artefact post-moderne, malgré son nom sulfureux, Rush ne se prend pas au sérieux. Ce qui n’en fait pas moins un classique contemporain, précisément parce qu’il réussit dans les termes mêmes qu’il se propose, ceux de matériaux de synthèse joués comme tels.


Image: Telluride 2 de Bertrand Lavier (2005)

4 commentaires:

  1. Son nom est exactement la raison d'etre si artificiel: c'est les paradis artificiels que le parfum reference (en parcours "underground" des clubs)et leur "high", meme si TF est officialement publi d'avoir dit que c'est le "rush" de connaitre quelqu'un pour la premiere fois et de n'etre pas sur ou cette recontre va...Ah, l'amour vend beaucoup plus, n'est-ce pas? ;-)

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  2. Effectivement, Helg, l'allusion à la drogue est très claire, même si la communication du produit a dû l'éviter pour des raisons évidentes. La combinaison des deux (drogues et sexe) est évidemment irrésistible, même pour ceux qui préfèrent goûter au second plutôt qu'à la première!

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  3. Ce qui est remarquable avec ce parfum, c'est qu'il est identifiable au bout d'une seconde, il ne ressemble vraiment à rien d'autre. La pêche veloutée et le patchouli sombre semble former un seul et même bloc à l'effluve sulfureuse et narcotique.
    Ne serait-ce d'ailleurs pas plutôt "undécalactone", du nombre de carbones 11, plutôt que "déca" ?

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  4. Jeanne, c'est bien undélactone, et je suis une ânesse! ;-)
    Les noms chimiques, c'est un peu pour moi comme les mots japonais dans mes (lointains) cours de judo: du chinois!

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