lundi 8 novembre 2010

La cuisine des nez: Portraits de parfumeurs, aux fourneaux et ailleurs...



On mange avec le nez et les yeux autant sinon plus qu’avec la bouche, c’est une évidence. Aussi est-ce tout naturellement que La Cuisine des Nez (éditions Terre Bleue), qui sort en librairie le 15 novembre, s’adresse aussi bien à la vue (photos somptueuses) qu’à l’odorat puisqu’il s’agit d’un recueil de 26 recettes choisies par de grands parfumeurs, ainsi qu’un directeur artistique et un évaluateur de renom. Mais ces recettes ne sont en réalité qu’un succulent prétexte pour mieux connaître ces hommes et ces femmes qui font parler nos peaux…
Sabine Chabbert, rédactrice en chef de Beyond Beauty Mag et anciennement de Cosmétiques News, a puisé dans ses 25 ans d’expérience du journalisme dans l’industrie de la beauté pour signer des portraits très fouillés de ses “chefs”. Ce n’est donc pas uniquement par leurs plats préférés que l’on apprend à les connaître: les textes bien enquêtés de Sabine regorgent d’informations et d’anecdotes inconnues du grand public, fût-ce celui des amoureux du parfum, et offrent une vision très complète de la profession de parfumeur – ces artistes, qu’on représente volontiers dans leur tour d’ivoire, sont en effet aussi des salariés qui vont au bureau le matin et en rentrent le soir (pour mitonner leurs petits plats, on n’en doute pas), bossent en équipe, passent de boîte en boîte au fil des aléas et des plans de carrière, remportent des succès et se font parfois claquer la porte… au nez. Tout cela ressort clairement lorsqu’on sait lire entre les lignes, sans doute plus que dans n’importe-quel autre livre consacré au parfum, du moins ceux que j’ai lus. On y apprend, par exemple, que plusieurs parfumeurs ont fait leurs premières armes dans les usines où ils ont appris les matières premières par un contact intime ; qu’un grand nombre a transité par les USA avec plus ou moins de bonheur… Que Maurice Roucel a décroché de ses cinq paquets de cigarettes et cinq whiskys quotidiens grâce au triathlon, discipline où il a failli passer pro, qu’il a fait tout son apprentissage dans le laboratoire de chromatographie qu’il a mis en place pour Chanel, et qu’il n’a mis les pieds dans sa cuisine qu’à 58 ans, parce qu’il en avait marre de manger au restaurant (sa « Momomelette » est un marathon de deux heures aux fourneaux). On apprend que Françoise Caron et Olivier Cresp, qui sont frère et sœur, ne parlent jamais boulot aux réunions familiales et ne se sont jamais montré leurs formules ; que le frère est aussi perfectionniste que sa sœur est « imperfectionniste » -- il faut que « tout soit bien, tout de suite », dit-elle (leurs fettucine « al Crespo » sont une alternative redoutablement calorique à l’Alfredo). On apprend aussi que Jean-Claude Ellena a proposé une composition autour d’une note de thé, sur laquelle il avait travaillé tout seul, à Dior pour le futur Fahrenheit, qui l’a refusé. Bulgari l’a acceptée telle quelle, l’Eau Parfumée au Thé Vert a suscité des centaines d’imitations, et nous avons deux classiques au lieu d’un, tant mieux (lui et sa fille Céline nous proposent une recette de filet mignon de porc en croûte rédigée dans un style déluré qui rappelle assez la plume de Céline…).
En parcourant les recettes, je me suis parfois demandé si elles reflétaient le style de composition et les penchants pour certains arômes de leurs auteurs… Sans pouvoir tirer de conclusion. Après tout, pourquoi les parfumeurs seraient-ils plus cohérents que le commun des mortels ?

De toute façon, à vous de juger ! Le livre est complété par 46 recettes aux arômes tentants… que je n’ai pas encore essayées… le niveau dépassant largement ma patience et mes capacités.

En attendant, voici la mise en bouche du sommaire :
Carlos Benaïm, La salade d’artichauts à l’orange amère
Anne Flipo, La Soupe des pèlerins
Jacques Cavallier, Les petites courgettes farcies à la grassoise
Nathalie Feitshauer, La ronde des 3 salades, des couleurs et des saveurs
Francis Kurkdjian, Les triangles d’or au fromage
Olivier Polge, Les Coquilles Saint-Jacques au thé fumé
Antoine Lie, Le foie gras d’oie poêlé, mousseline de fleur d’oranger et salade de pastis
Thierry Wasser and Jean-Paul Guerlain, La poularde aux écrevisses
Nathalie Gracia-Cetto, Le poulet au safran et pois chiches
Nathalie Lorson, Le gratin d’aubergines
Maurice Roucel, La “Momomelette”
Michel Almairac, La croustade de veau aux olives vertes
Françoise Caron and Olivier Cresp, Les fettucine “al Crespo”
François Demachy, Le Fassum ou chou farci à la grassoise
Jean-Claude and Céline Ellena, Le filet mignon de porc en croûte
Jean-Michel Duriez, Le dos de cabillaud au pain d’épice et safran et ses mini-légumes à la fleur d’oranger
Christine Nagel and Benoist Lapouza, La Zarzuela
Antoine and Shyamala Maisondieu, Le curry rouge
Sophie Labbé, Le dessert de Jeanne et Louise
Patricia de Nicolaï, Le tiramisu aux fruits rouges
Pierre Aulas, Le gâteau amandé aux abricots
Luc Berriet, Le pain d’épices aux écorces d’orange

Maintenant, dites-moi… Au vu du programme culinaire, avec lequel de ces parfumeurs aimeriez-vous diner? Laissez un commentaire, et le gagnant du tirage au sort recevra une photocopie de la recette… à défaut d’une invitation des intéressés (on ne peut donner que ce qu’on a!)


Illustration: Le poulet aux pois chiches de Nathalie Gracia-Cetto, photographié par Jean-Marc Anglès

30 commentaires:

  1. je choisirais maurice roucel, d'abord parce que j'adore ses creation, et la momolette m'intriguer enormement lol

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  2. J'ai d'abord vraiment flashé sur la 1ère photo, côté anglais, de la soupe du pèlerin... et de plus sa composition m'intrigue... mais bon ! Non, finalement, côté goût, stricto senso, et même si ce n'est pas mon parfumeur d'élection, c'est Pierre Aulas qui me tente le plus avec ce gâteau amande/abricot. Cette association est d'une simplicité biblique mais sans chichis, elle touche à une sorte de quintessence où vraiment le goût se fait parfum, le parfum fusionne avec le gustatif !
    alizarine

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  3. Alléchant, mais je manquerais de patience, c'est certain !
    Je me demande moi aussi dans quelle mesure ces recettes sont significatives, révélatrices de l'art de ces nez. Faut-il chercher un lien, des indices ? Après tout la vie d'un écrivain peut ne pas révéler grand-chose de son œuvre, et vice-versa...
    Cela dit j'aimerais bien dîner avec Maurice Roucel, dont j'aime le côté bon vivant et la moustache ! Mais on dirait qu'on va se battre pour jouer les commensales ;-) !
    Maurice, si vous me lisez...

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  4. Et 2! une deuxième demoiselle pour Maurice Roucel! Pour la même raison que Vero, j'adore ses créations, qui laissent deviner une personne épicurienne et généreuse avec qui il serait sûrement génial de partager un déjeuner! Mais toutes ces recettes mettent l'eau à la bouche, l'association abricot-amande est effectivement merveilleuse, quand j'étais petite, je me souviens avec vidé en cachette des pots de confiture abricot-amande maison en cachette! Il man que Serge Lutens, dommage, je suis sûre qu'il a de supers recettes du Maroc! Sinon Denyse, je te conseille aussi "Le cuisinier et le parfumeur", un livre du chef Jean marc Notelet et du parfumeur Blaise Mautin. Je ne sais pas d'ailleurs si tu connais le resto de ce dernier, "Caïus", près de l'Etoile, un délice! J'y ai acheté le meilleur foie gras pour Noël, l'année dernière! Bref, une adresse à conseiller à tous les amateurs de parfum, vu qu'il cuisine avec de la fève tonka et nombre d'autres ingrédients prisés par les parfumeurs!

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  5. ah, rafaèle m'a devancée, ça fait donc 3 pour Momo!

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  6. Il me semble que Maurice Roucel fait la quasi-unanimité ^^ et je ne vais pas déroger à la règle.

    Ou peut être pas ? Disons que si c'est par rapport à la recette, je choisirais Maurice Roucel ! (surtout que j'adore ses créations :D !).

    Mais après, je serais bien curieux de diner avec Thierry Wasser et Jean Paul Guerlain !

    Mais disons que mon choix s'arrête sur Maurice Roucel !

    vive l'odorat ... et le gout ! (je fais des tomates farcies à tomber par terre :p)

    Jicky

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  7. Sans hésiter, avec Céline Ellena, pour des tas de bonnes raisons (et sa recette n'en fait pas partie !): ses chroniques olfactives sont délicieuses, elles donnent l'impression d'une personne tout à fait abordable et sympathique, ce ne sera donc pas guindé, et je pourrais en profiter pour lui faire goûter en dessert ma panacotta infusée au jasmin....et surtout lui parler, avec mes mots, de Jasmin de nuit, que j'adore.

    (NB: Lala/Narriman a enfin réussi à créer un compte)

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  8. Vero, la Momomelette est un morceau de bravoure: trois réductions! Je ne sais pas si j'aurais la patience... sauf pour la dévorer.

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  9. Alizarine, en effet, amande et abricot, c'est un mariage parfait...

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  10. Rafaèle... Maurice Roucel l'a rasée, sa moustache. J'espère que ce n'est pas rédhibitoire pour vous! Mais malheureusement, il a été très clair là-dessus, il ne va jamais sur internet. Espérons donc qu'une bonne âme lui transmette.

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  11. Clochette, je ne connais pas de parfumeur du nom de Blaise Mautin... mais je retiens l'adresse du restaurant.

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  12. Clochette, hé bien oui, "Momo" semble rassembler les suffrages côté français, un peu beaucoup sans doute parce que ses créations laissent présager le grand gourmand.

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  13. Narriman, je n'ai jamais mangé chez Céline mais pour les quelques fois où nous sommes vues au-dessus d'une table, je confirme: c'est très sympathique. Quant à cette pannacotta infusée au jasmin... je m'inscris pour mon prochain séjour dans les environs!

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  14. Ahhh il me semblait bien avoir remarqué que Denyse était une gourmande !

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  15. Il y en a trop qui me font envie pour que je puisse faire un choix - la cuisine est autant ma passion que le parfum. Il ne me reste donc plus qu'à me le faire offrir pour Noël.

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  16. Narriman... très. Mais aussi très paresseuse en cuisine, j'aime plutôt me faire gâter!

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  17. Merytsia, excellent idée, d'autant que les textes sont également passionnants à lire...

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  18. Nan attendez... Maurice Roucel a rasé sa moustache ?

    Mais un Maurice Roucel sans moustache c'est comme... c'est comme un Shalimar sans vanille :O !

    Choqué :p

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  19. Jicky, ben oui... Mais dans le livre, il a de la barbe en prime, et vu comment le monsieur est brun, à mon avis, tout ça repousse vite.

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  20. Alors, pour moi ce sera la salade d'artichaut à l'orange amère en compagnie de Carlos Benaïm. Ca m'a l'air un peu plus diététique que la poularde aux écrevisses. Et je pourrai le supplier de faire une version parfum de Saint des saints.

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  21. vu mon addiction aux fruits de mer les coquilles saint jacques au thé fumé me tentent bien, ce sera donc avec olivier polge! , même si bien sûr le côté présumé bon vivant de maurice roucel laisse espérer un excellent compagnon de table.

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  22. Anatole, je crois que nous serions plusieurs à aimer que certains des parfums maison de Frédéric Malle soient présentés en parfums à porter -- mais je crains que dans plusieurs cas, ce soit une question de formule et de réglementation. Quant à moi, je demande le gardénia et le lys!

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  23. Soph, Olivier Polge est absolument charmant et serait, j'en suis sûre, un excellent convive...

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  24. Cela me ferait plaisir de revoir Maurice, et de savoir ce qu'il a concocté! Je l'imaginais en effet plus gastronome au resto que cuisinier aux fourneaux! Bonne fin de journée. Anne (anciennement Dragoco)

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  25. Anne, bienvenue ici -- il me semble que c'est votre premier commentaire? En effet, les amoureux des parfums imaginent volontiers Maurice Roucel en cuistot chevronné, mais il semble que ce soit tout récent... et qu'il mette les bouchées doubles!

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  26. J'avais déjà lu la bonne nouvelle (ce livre), sur le blog d'Ambre gris. J'ai envie du cabillot au pain d'épice (déjà scanné).
    Je ne vois pas de frontière entre la parfumerie et la cuisine, je me prends à rêver que les 2 entrent bien en synergie, pour le jour où je me mettrais plus sérieusement à apprendre à cuisiner.
    (Je pense que je vais acheter ce livre)

    Tout ça me donne faim, dis-donc! Cette fois-ci ce n'est pas pas ma curiosité qui est stimulée et fait des mélanges imaginaires, mais mon estomac qui se ragaillardit et dit "j'ai faim".

    Cela me rappelle une discussion avec la vendeuse de la boutique du Palais-royal, qui raconte qu'elle adore "La myrrhe" qui lui ouvre l'appétit, tandis que les parfums ont l'effet inverse chez moi, ils sont un grignotage de substitution, qui me satisfont mon envie de ressentir.

    Je crois que si j'aime me faire des thés de temps en temps, j'en apprécie plus l'odeur que le goût, c'est un rituel complet, qui commence par le choix, sentir les sachets, faire monter le désir et l'eau à ébullition, verser l'eau chaude et sentir les arômes se libéré, et revenir dans la pièce 2mn plus tard et appréhendé tantôt la pêche jasminée, tantôt la cardamone et la cannelle, tantôt la menthe poivrée, avant de boire le thé d'un trait, et en prologue le parfum du thé dans la bouche pour les demi-heures à venir.

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  27. Julien, parfum, vin, gastronomie... tout ça, ça se tient, évidemment! Quant au thé, il n'est pas surprenant que bien des parfumeurs adorent ça. Et qu'il s'en retrouve dans les flacons d'ailleurs.

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  28. La dernière chronique olfactive de Céline Elena parle du café.

    Quand je vais dans une boutique spécialisée de thés, je me sens toujours comme dans une parfumerie. Quand j'arrive au moment de payer (6-7 sachets de 50gr) je suis toujours étonné d'en avoir pour moins de 20€. Ce n'est même pas le prix d'un petit flacon. Je me sens léger quand je sors de la boutique.

    En chine, on dit qu'il faudrait plus d'une vie pour goûter toutes les différentes variantes de thé. Tous parfumés. On leur a piqué l'osmanthus après tout.
    (Allez... j'arrête de digresser tout seul)

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  29. Julien, dans mes cours au LCF j'ai souvent constaté que mes étudiants chinois et japonais lisaient les accords de certains parfums en fonction de références acquises lors de l'olfaction des thés. Comme l'encens, c'est un domaine qui permet autant de sophistication et de raffinement que le parfum alcoolique...

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