samedi 7 mai 2011

Vitriol d’œillet et De Profundis, ou du Dandysme, de la décadence et de la mort vus par Serge Lutens


Flacon gravé Vitriol d'Oeillet, édition limitée nov.2011
Lorsque je l’ai rencontré pour mon livre, Serge Lutens m’a confié qu’il puisait dorénavant ses thèmes dans la littérature plutôt que dans la matière olfactive. D’où l’inspiration dandy, décadente et funèbre de ses deux prochains parfums, hommages à Baudelaire, Oscar Wilde et, forcément, au saint patron des esthètes, Des Esseintes, jusque et y compris dans les relents sulfureux d’un catholicisme dévoyé…

Vitriol d’œillet est, comme son nom l’indique, une mutation féroce de la fleur à la boutonnière, cloutée (de girofle), poivrée, poudrée, avec des relents du lys qui est le frère olfactif de l’œillet et une élégance dans la méchanceté qui n'est pas sans rappeler le coup de talon de Bas de soie. Extrait du texte presse:

« L’hésitation une fois franchie, l’oeillet est, aux deux sens du terme, ce que je suis : ma réplique, un parfum en colère.
Déjà en dents de scie ses pétales recèlent la solution. Elle vole en éclats.
Si je vous dis que la giroflée retient une gifle, que son poivre vient de Cayenne et, qu’au plus profond de sa composition, des clous de girofle l’enfoncent, sourirez-vous ? »

De Profundis édition gravée novembre 2011

De Profundis, qui tire son nom à la fois de la lettre  écrite en prison par Oscar Wilde à Alfred Douglas et du « De Profundis Clamavi » de Baudelaire, est construit autour du funèbre chrysanthème: verdeur végétale en tête, violette et fruits confits pour la signature maison, notes animales en fond, mais aussi l'encens, forcément. Et la couleur emblématique de l'esthétique décadente, couleur d'encre pour souligner l'inspiration littéraire, cette "couleur violette (amour contenu, mystérieux, voilé, couleur de chanoinesse" dont parle Baudelaire, ici poussée dans son intensité vers l'ultraviolet seul capable d'illuminer le noir... Extrait du texte presse :

« Quand d’un deuil, un souffle impalpable soulève le crêpe, des couronnes et croix, glaïeuls, chrysanthèmes et dahlias libérés se détachent.
Qu’en Terre Sainte, aux Galapagos, à Nice aux Floralies, en guirlandes elles fi­nissent, tant mieux!
Plus encore, si dédié au défunt de France, le corbillard par la bière débordé, emmène enfants de chœur, curé, croque-mort, Suisse et fossoyeurs, se perdre en vice joyeux dans une fête, là, c’est l’apothéose. »

Vitriol d’Œillet fait partie de la collection des flacons rectangulaires. Il sera lancé en juillet en exclusivité au Palais-Royal, puis mondialement en septembre.

De Profundis fait partie de la collection des flacons de table. Il sera lancé aux Salons du Palais-Royal en octobre.

Les flacons gravés de Vitriol d’Œillet, De Profundis, Louve et Serge Noire seront proposés en édition limitée à partir de novembre aux Salons. Par ailleurs, Tubéreuse Criminelle intégrera la collection « export » au même moment le temps d’une édition limitée.


Je reparlerai d’ici peu de Vitriol d’Oeillet, qui à l’heure qu’il est ronge déjà mon poignet…



17 commentaires:

  1. Je sais qu'il ne faut pas, non, il ne faut pas, mais la description de vitriol d'oeillet fait TRES TRES envie!
    Andy

    RépondreSupprimer
  2. Mais si, Andy, il faut céder... plus que, quoi? Sept semaines? Autant dire un rien de temps.

    RépondreSupprimer
  3. Belles influences, je parie que M. Lutens doit adorer un livre emblématique du dandysme mortifère, le "A rebours " de Huysmans (où le personnage créé des parfums étranges si mes souvenirs sont bons).
    Les flacons limités de Serge noire avec sa croix et Vitriol d'oeillet avec son coeur de Marie flamboyant sont clairement aussi dans la lignée de l'imagerie catholique dure, sombre et morbide d'auteurs comme Huysmans, toujours, Barbey d'Aurevilly, Leon Bloy et Remy de Gourmont.
    Quant à Wilde et Baudelaire que vous citez, voilà encore d'impressionnants compagnons.
    Moi qui n'ai succombé à Serge noire qu'au bout de longues semaines d'essais, j'avoue que je me réjouis de ce Vitriol d'oeillet, quel nom magnifique !

    RépondreSupprimer
  4. Je me corrige, vous citez évidemment des Esseintes. Si vous suivez cette piste, je vous conseille une collection, aujourd'hui défunte chez Seguier, "La bibliothèque décadente" contenant des textes de Jean Lorrain, Rachilde, Paul Adam...

    RépondreSupprimer
  5. Laurent, la constellation d'écrivains est évidente -- comme ne pas voir en Serge Lutens, présidant à l'embellissement sans fin de son palais de Marrakech, une incarnation contemporaine de Des Esseintes? Je reviendrai sûrement sur cette convocation littéraire...

    RépondreSupprimer
  6. Laurent, j'ai beaucoup lu tous ces auteurs jadis: on y arrive forcément lorsqu'on s'intéresse à l'esthétique de la transgression, qui fonde bien évidemment mes affinités avec M. Lutens.

    RépondreSupprimer
  7. Denyse, qu'entends-tu par "esthétique de la transgression" ? Faut-il comprendre cette idée comme "transgression esthétique", c'est-à-dire subversion des catégories esthétiques du beau, du convenable, du bon-goût, ou au contraire désignes-tu autre chose ? merci pour tes éclaircissements!
    Andy

    RépondreSupprimer
  8. oui, céder, Denyse, peut-être. On verra début juillet, dans 7-8 semaines, oui, ce n'est pas si loin. Et si ce n'est pas le coup de foudre, je me rabattrai sans doute sur Serge noire, qui comme semble l'avancer Monsieur Husser un peu plus haut, est le plus sombre et dandy à la fois des parfums de Lutens. Mon préféré, je crois, du moins à porter pour moi.

    RépondreSupprimer
  9. Andy, les deux je pense. Esthétique de la transgression, au sens où la bibliothèque imaginaire de Serge Lutens, qui recoupe en plusieurs points la mienne, est riche d'auteurs qui ont écrit et pensé la transgression morale, religieuse, érotique. Transgression de l'esthétique, dans la mesure où plusieurs parfums Lutens chargent et déforment leur "modèle" jusque dans des notes qui ne plairont pas forcément à tout le monde...

    RépondreSupprimer
  10. Ah pour ça, je ne saurais choisir, je commence tout juste à découvrir ce Vitriol... Moi qui ai beaucoup porté le Poivre de Caron, ce sont des notes avec lesquelles je suis en affinité.

    RépondreSupprimer
  11. tu le portes actuellement ce vitriol ? Il est trè poivré ? MAGNIFIQUE! J'exulte ! Mais ce n'est pas bien, pas avant d'avoir mis le nez dedans. Mais avec le poivre, je ne raisonne plus.
    Andy

    RépondreSupprimer
  12. très poivré pardon. L'enthousiasme me fait oublier de me relire.

    RépondreSupprimer
  13. Andy: il brûle et me ronge la peau à l'heure qu'il est! Mais je réserve des commentaires plus élaborés à une date plus proche du lancement.

    RépondreSupprimer
  14. I am looking forward to a carnation interpretation by Serge. This little flower is so overlooked in today's perfumery.

    RépondreSupprimer
  15. Ce Vitriol d'oeillet me fait fantasmer c'est clair. Des Esseintes convoqué, et je ne peux m'empêcher de penser à Notre Dame des Fleurs... L'univers lutensien versus littérature résonne en moi.
    Et je suis curieux de sentir un œillet post restrictions sur l'eugenol et l'iso dont je suis dingue.
    Quand au De Profundis, que dire: de profundis clamavit ad te domine. Et en signe de soumission je m'en vais me parfumer de la vigueur austère et liquoreuse de Chêne. !

    RépondreSupprimer
  16. Taffynfontana, carnation has been overlooked in the past years because it is perceived as quite old-fashioned, I suppose. It's also a tough odor to reproduce given the restrictions on clove oil or more specifically the eugenols that give clove (and carnation) their distinctive spicy scent. Don't know how Christopher Sheldrake pulled that one off!

    RépondreSupprimer
  17. Anatole, l'allusion à Des Esseintes vient de moi mais on y pense assez irrésistiblement vu le rapport entre Huysmans, le dandysme, l'art décadent et le catholicisme...

    RépondreSupprimer