lundi 8 décembre 2014

Le Parfum de la Maison d'Hermès, par Céline Ellena : "Des odeurs que l'on écoute"



Jean-Claude Ellena s’est parfois pris à déplorer que la forme olfactive des parfums soit faussée en étant portée sur peau – tout comme Edmond Roudnitska, d’ailleurs, qui faisait tester ses créations par son épouse Thérèse sur ses tailleurs (le pressing de Cabris lui dit encore merci). Aujourd’hui, Hermès joint le geste à la parole ellenesque en offrant cinq parfums pour la maison aussi poétiques et fascinants que leurs parfums à porter.

C’est bien le style Ellena… Mais pas celui de Jean-Claude. Pour cette collection, sa fille Céline Ellena a repris le flambeau. Et l’on est ravi de la retrouver là, puisque depuis Pure Virgin pour The Different Company en 2011, elle n’avait rien signé que l’on sache. Entretemps, elle est partie avec sa famille pour vivre à Cabris, près de chez ses parents, lorsque Charabaud, la maison de composition pour laquelle elle travaillait, a été absorbée par Robertet et a supprimé des postes (dont le sien).

Mais bien que ses compositions fassent écho à l’esthétique de son père par leur concision poétique, leur délicatesse et leur refus obstiné du cliché, aucune n’est une variation sur ses parfums pour Hermès. Elles prolongeraient plutôt l’écriture esquissée par Céline dans son De Bashmakoff pour The Different Company. C’est bien du monde olfactif de Céline qu’il s’agit : un monde cueilli lors de ses rêveries à Cabris…

Lors de la présentation à la presse, Céline – vive, chaleureuse et tout aussi douée pour les mots que son père, avec lequel elle partage un talent littéraire – expliquait que son passage de la capitale à la campagne l’avait d’abord angoissée : « Je ne savais pas quoi faire de ce silence. » Puis le silence a parlé : « Les maisons ont une respiration qui leur est propre. Elles bruissent, elles croustillent… » C’est de cette respiration qu’elle s’est inspirée pour composer ses parfums maison : « Un parfum d’intérieur », explique-t-elle, « c’est une odeur que l’on écoute, un murmure olfactif qui nous pousse à l’évasion. Avec lui, l’esprit prend l’air. »


Ces cinq compositions sont présentées sous trois formes, crées par le designer Guillaume Bardet. Un cheval-origami pour accompagner les voyages et neutraliser « l’odeur internationale des hôtels », suggère Guillaume Bardet. Un galet parfumé en céramique blanche à poser sur un bureau. Et une bougie coulée dans une coupe en céramique, proposée en trois tailles (1100 g., 620 g. et 220 g.).

Chaque « parfum-rêverie » est associé à une couleur aussi inclassable que l’odeur elle-même. Ni figuratifs, ni entièrement abstraits, ces parfums suscitent des images olfactives qu’on devine du coin du nez – impressions immatérielles de paysages fantômes superposés aux différents espaces de la maison, comme un univers parallèle.

Ainsi, Des pas sur la neige (étoupe) suggère la fraîcheur mais aussi une douceur délicate, légèrement amandée, avec des accents sucrés de grain de blé cru.
Temps de pluie (céladon), évite le littéral de la note aquatique avec un nuage de musc et de mousse, un soupçon de pavé mouillé et un crépitement boisé.
Fenêtre ouverte (lagon) associe l’ozonique au miellé.
Champ libre (soufre) évoque la sève d’herbe sucrée sur le nectar sur un fond qui me semble sentir, curieusement, le jute…
À cheval! (potiron), est le plus facile à définir, avec un traitement du cuir rappelant celui de Cuir d’Ange, en plus sombre et fumé.

Ces impressions proviennent de petites boules imprégnées de parfum offertes lors de la présentation presse : mise à part la bougie À cheval !, je n’ai pas testé les parfums en conditions réelles (mais la bougie est délicieuse). À 85€ pour une boîte de quatre chevaux-origami, 200€ pour un galet parfumé et 150€/250€/350€ respectivement pour les trois tailles de bougies, la « rêverie » a un prix…



2 commentaires:

  1. Bonjour Denyse et merci pour ce post délicat et singulier...j'aime beaucoup le parfum du blé cru :-). A très bientôt je l'espère pour de nouvelles aventures parfumées

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    1. Bonjour Céline, c'est un réel plaisir de te voir passer par ici -- et encore plus de retrouver ton écriture chez Hermès. Je n'ai pas pu développer plus avant avec seulement les "boules" sous le nez, donc j'ai glané des impressions un peu sauvages ! A bientôt, je l'espère aussi !

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